mercredi 21 octobre 2009

Les syndromes du doctorant

Ci-dessous un billet plutôt drôle et pertinent extrait du site de mon collègue juriste nîmois Stéphane Darmaisin (http://www.darmaisin.com/blog/) auquel j'ai rajouté quelques éléments.

L’observation des parcours en thèse de différents étudiants permet de dégager toute une série de pathologies qu’il est nécessaire de s’employer à traiter pour améliorer le confort mental du doctorant. La liste qui suit donne un tableau non exhaustif des différents syndromes relevés à ce jour.

- Le syndrome de culpabilité : le malade entend en permanence une petite voix intérieure qui lui dit à chaque instant : "tu devrais être en train de travailler". Ce syndrome présente le défaut évident d’interdire toute pause ou toute décompression. Aucun remède connu à ce jour.

- Le syndrome colérique : le malade est irritable et en veut à la terre entière de l’avoir laissé commencer une thèse. Dans les périodes de crise le malade peut s’en prendre violemment à tout objet qui traîne sur son bureau et jeter l'intégralité de ses travaux à la poubelle. Dans la majorité des cas, il récupère l’ensemble dès le lendemain matin. Dans certains cas extrême, le malade peut renoncer à s’encombrer d’un conjoint, ce qu’il regrette immédiatement après sa soutenance de thèse.

- Le syndrome obsessionnel : le malade voit sa thèse partout et éprouve le sentiment, le plus souvent injustifié, que tout ce qu’il lit ou entend se rapporte à sa thèse. Dans les cas les plus extrêmes, le malade ne comprend pas que les autres personnes puissent s’intéresser à autre chose qu’à sa thèse.

- Le syndrome de la page blanche : le malade demeure prostré devant sa page désespérément blanche. Ce syndrome est sans gravité les premiers mois. Il commence à devenir inquiétant dans les cinq ans et alarmant dans les dix ans.

- Le syndrome d’infériorité : le malade a le sentiment qu’il est intellectuellement déficient et qu’il ne parviendra jamais à égaler l'entame du départ de la cheville de ses prédécesseurs. Ce syndrome se traduit généralement par une apathie marquée et par une volonté latente de mettre à mort le sujet de thèse, voire le malade lui-même. Le seul remède connu à ce jour : écrire, aller de l’avant et se dire que si la thèse n’est pas géniale, elle aura toujours le mérite d’exister.

- Le syndrome de supériorité : le malade a le sentiment qu’il est en train d’écrire LA thèse du siècle. Pathologie grave et très douloureuse notamment lorsqu’il réalise que seule une dizaine de personnes (famille et amis compris) liront son travail au final. A noter cependant que dans de très rares cas, il a pu être observé que la thèse se révélait être la thèse du siècle.

- Le syndrome d’insouciance : le malade se promène en permanence dans les couloirs des universités et des bibliothèques universitaires et ne s’assoit que très rarement un stylo à la main. Pathologie grave dès le début de la thèse et alarmante après cinq ans. Seul remède connu à ce jour : le coup de pied aux fesses.

- Le syndrome du temps perdu : dans une première phase, le malade passe plus de temps à pleurer sur le temps qu’il pense avoir perdu qu’à travailler. Dans une seconde phase, le malade passe plus de temps à pleurer sur le temps qu’il a perdu à pleurer qu’à travailler. Seul remède connu à ce jour : sécher ses larmes, ne plus penser à autre chose qu’à l’écriture et se rappeler qu’une thèse peut matériellement se rédiger en quatre mois.

Une fois les syndromes dépassés, la thèse finie par être rédigée. Mais au sein même du texte s’installent encore un certain nombre de pathologies, partagées d’ailleurs par de nombreux chercheurs “confirmés”, consistant à utiliser quelques expressions qu’il faut bien savoir déchiffrer pour en comprendre toute la saveur. Voici quelques unes de ces expressions et leur décodage :
- "Il est connu depuis longtemps..." = Je n’ai pas trouvé la référence d’origine
- "Une tendance nette semble se dégager…" = Ces données sont quasiment dénuées de sens
- "Bien qu’il n’ait pas été possible de fournir des réponses définitives à ces questions…" = Mes hypothèses ne sont pas validées, mais j’ai encore bon espoir d’en tirer quelque chose
- "Trois des échantillons ont été choisis pour une étude détaillée…" = Les autres résultats n’ont aucun sens
- "Les résultats les plus typiques sont présentés ici..." = C’est le plus beau graphique que j’ai pu faire
- "Il est estimé que…" = Je pense que…
- "Il est généralement admis que…" = Deux autres personnes le pensent aussi
- "Cette interprétation semble relativement correcte" = Tout est absolument faux
- "Selon l’analyse statistique..." = Selon la rumeur
- "Une analyse plus attentive des données obtenues permettrait sans doute de…" = Trois pages de notes ont été effacées lorsque j’ai renversé un verre de bière
- "Il est clair que des études complémentaires seront nécessaires avant de bien comprendre ce phénomène" = Je ne comprends rien
- "Tous mes remerciements à Pierre Durand pour son assistance technique et à Paulette Robert pour sa discussion des données" = M. Durand a fait le travail et Mme Robert m’a expliqué ce qu’il signifiait
- "Nous espérons que ces résultats stimuleront d’autres travaux dans ce domaine" = Ce texte n’est pas très bon, mais pas plus que les autres sur ce sujet misérable

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