dimanche 20 septembre 2009

Goran

On ne présente plus Goran Bregovic, né en 1950 à Sarajevo de mère Serbe et de père Croate. Depuis 1980, il a largement contribué à diffuser la musique des Balkans en Europe de l'Ouest au travers plus de huit albums originaux et autant de bandes originales de musique de films dans lesquels il mélange musique traditionnelle balkanique, rock, musique classique, reggae, ska, tango, musique électronique... Bref, la fusion sensible et percutante des hétérogènes.


Goran Bregovic, Zamisli. Album Alkohol-Sljivovica & Champagne, 2009.

mercredi 16 septembre 2009

Psychosocial !

J'aurais vraiment imaginé autre chose comme hymne musical à la psychologie sociale que cette hystérie bramante d'une troupe de décérébrés spasmodiques nous éjaculant aux oreilles leurs giclées d'immondice anglomaniaques d'une conternante indigence. Mais à la réflexion, pourquoi n'inviterions-nous pas ces joyeux garçons irradiés d'une jovialité communicative à effectuer un concert d'ouverture lors d'un prochain congrès de psychologie sociale ? Ça nous changerait. Bramez tous avec moi : "Psychosocial ! Psychosocial !"

Slipknot, Psychosocial

dimanche 13 septembre 2009

Sharpening bone

Piers Faccini est un auteur-compositeur-interprète, peintre et photographe anglais. Né de père italien et de mère anglaise, il emménage en France à l'âge de cinq ans et réside actuellement dans les Cévennes. Les trois albums sortis sous son nom sont pour moi des petits bijoux de simplicité et de finesse. Voici un extrait du deuxième, sorti en 2006.


Piers Faccini, Sharpening bone. Album Tearing sky, 2006.

jeudi 10 septembre 2009

Test d'aptitude

A tous ceux et celles qui envisagent de mettre un jour au monde un petit d'homme (il y en a encore, paraît-il), passez d'abord ces quelques tests simples destinés à évaluer vos capacités.

Test du désordre
Etalez du beurre sur le canapé et les rideaux avec les mains. Maintenant, essuyez-vous les mains dans les draps de votre lit et sur les murs. Recouvrez toutes les taches avec du crayon de couleur ou du feutre indélébile. Pensez aussi à placer un bâtonnet de poisson surgelé derrière le canapé et laissez-le tout l'été.

Test des jouets
Procurez-vous plusieurs boîtes de Lego. Demandez à un ami de les répandre dans toute la maison. Mettez-vous un bandeau sur les yeux. Marchez jusqu'à la salle de bains ou la cuisine sans jamais crier (cela pourrait réveiller l'enfant ultérieur).

Test de l'habillage
Procurez-vous une grande pieuvre vivante. Fourrez-la dans un petit sac en vous assurant que tous les tentacules restent bien à l'intérieur.

Test de l'alimentation
Prenez une grande bouteille vide. Remplissez-la à moitié d'eau et suspendez-la au plafond avec une corde. Faites-la se balancer. Essayez maintenant d'insérer des cuillerées de céréales détrempées dans l'orifice de la bouteille tout en faisant semblant d'être un avion. Ensuite, videz le contenu de la bouteille sur le sol.

Test de la nuit
Prenez un petit sac en tissu et remplissez-le avec 1 ou 2 kilos de sable. Trempez-le soigneusement dans l'eau. À 20h, commencer à valser et à fredonner avec le sac sur un bras jusqu'à 21h. Déposez votre sac et mettez votre réveil à 23h. Levez-vous, reprenez votre sac, et chantez plein de chansons que vous n'avez jamais entendues. Chantez-les jusqu'à 4h du matin. Recouchez-vous et mettez votre réveil à 5h30. Levez-vous et faites le petit déjeuner. Recommencez cet exercice pendant cinq ans.
Important : ayez l'air joyeux.

Test physique (pour femme)
Procurez-vous un grand sac rempli de fèves et fixez-le sur votre ventre. Laissez-le en place pendant 9 mois. Enlevez alors 10% des fèves.

Test physique (pour homme)
Allez dans votre pharmacie habituelle. Posez votre portefeuille sur le comptoir et demander au pharmacien de se servir lui-même (pensez à garder deux euros). Allez ensuite dans le magasin d'alimentation le plus proche. Demandez à la direction que votre paye soit directement versée sur le compte du magasin. Avec vos deux euros, achetez ensuite un journal. Rentrez chez vous et lisez-le tranquillement pour la dernière fois.

Test des réponses aux questions
Trouvez des amis qui ont déjà un petit enfant. Donnez-leur des leçons sur comment améliorer leur discipline, leur patience, leur tolérance, leur manière d'apprendre la propreté et les comportements à table de leur enfant. Suggérez-leur beaucoup de voies possibles d'amélioration. Soulignez aussi fortement qu'ils ne devraient jamais permettre à leur enfant de se déchaîner comme il le fait.
Profitez pleinement de cette expérience. Ce sera la dernière fois que vous aurez les réponses.

mardi 8 septembre 2009

Mots et figurations

Le tronçon de texte suivant a été co-rédigé avec M.L. Rouquette. Il avait pour fonction de servir d'avant-propos à un ouvrage consacré aux représentations sociales. Il n'a finalement pas été retenu. Je l'ai retrouvé dans mes archives et ai la présomption de le trouver suffisamment intéressant pour le dépoussiérer et lui donner une nouvelle vie sur ce blog.


Beaucoup d'entre nous se souviennent sans doute de ces gravures de Riou, de Benett ou de Neuville qui illustraient ponctuellement les romans de Jules Verne.
Toutes les dix pages ou à peu près, une scène prenait forme, qui n'était pas forcément celle qu'on eût le plus attendue. La densité du trait la rendait en général brumeuse, évoquant la fumée des chandelles finissantes ou les profondeurs troubles de la suie. Une brève légende, prise dans le texte, accompagnait le tableau, lui servant d'argument : "Adieu, soleil !" s'écria-t-il ; Il s'approcha et lut ; Et que virent-ils ? ; Tel était l'asile offert à la petite troupe.
D'être mises en exergue, ces petites phrases prenaient tout à coup une valeur qui pouvait sembler souvent frelatée. Le relatif arbitraire de leur choix, d'abord, mais aussi leur caractère suspensif, puisque l'épisode même dont elles étaient tirées les débordait en amont comme en aval, donnaient à leurs mots un privilège baroque, celui des formules magiques, si désespérément banales ("Sésame, ouvre-toi" !) ou comiquement absurdes ("Abracadabra" !), mais qui livrent à ceux qui peuvent les connaître un monde de prodiges et de merveilles.
Comme celles de Gustave Doré accompagnant Dante ou Rabelais, ces gravures montraient surtout la contingence, puis l'emprise, de la représentation : aucun d'entre nous sans doute n'aurait imaginé ainsi la tête du capitaine Nemo ou l'obus filant vers la lune, la trogne de Gargantua, les cercles de l'Enfer. Ensuite, il ne pouvait les imaginer autrement. De la même façon qu’il est très difficile de se débarrasser du visage d’une héroïne ou d’un héros d’une adaptation cinématographique d’un livre que l’on aborde ensuite.
Il y avait là, et il y a toujours, une leçon simple que l'on oublie parfois d'appliquer à des expériences réputées plus sérieuses. La simple dénomination, déjà, passe pour une garantie d'existence : si ce qui n'a pas de nom partagé n'existe pas, on admet sans y réfléchir que ce qui a un nom sur lequel on s'entend à peu près existe de ce fait. D'une manière plus concrète, le dessin figuratif, puis la photographie, nous ont donné de mauvaises habitudes métaphysiques en tendant à nous faire croire que l'objet de la représentation existait indépendamment de celle-ci, antérieurement à elle. Il est vrai que les architectes et les ingénieurs, depuis toujours, procèdent autrement ; ils font même exactement l'inverse, puisqu'ils tracent d'abord sur le papier ce qui ne recevra de réalisation qu'ensuite, parfois très longtemps après (voyez par exemple Léonard de Vinci et son projet de machine volante) : ils représentent donc la chose avant que celle-ci existe.
Mais ce cas particulier ne fait pas objection dans la mesure où architectes et ingénieurs déploient justement leur activité dans l'artifice, dans l'anti-nature si l'on veut, puisque leur intention finale est toujours d'aménager le monde brut, quitte au besoin à ruser avec lui. Les conditions mêmes dans lesquelles s'exerce leur art ne font donc que renforcer ce que l'on tient d'ordinaire pour acquis lorsqu'il s'agit de la nature, et inclusivement de la société. Dans ce registre, le plus quotidien, le plus répandu, il est admis pour évident que le processus de figuration se développe en deux temps : on poserait d'abord la chose (qui serait de toute façon déjà posée pour tout regard possible) et on aurait seulement ensuite la représentation imagée de la chose, la vérité étant l'apanage de la première, la contingence marquant la seconde (et cette contingence permettant de comprendre au passage qu'il y ait des grands peintres et des barbouilleurs, des styles et des "écoles"). Tout va bien ainsi, peut-être, quand il s'agit d'un portrait, d'une nature morte ou d'une académie : on peut alors saisir par comparaison les déformations, les oublis, les excès et, finalement, les erreurs (certains diraient, plus positivement, les choix de l'artiste, ce qui revient au même, car la vérité, par définition, ne se choisit pas.) Il y a le cheval du derby et le cheval sur la toile, qui ne court pas comme il faudrait, le dos de chair de la fille qui pose et le dos peint de la baigneuse où se remarque un supplément de vertèbres.
Mais quelle est la vérité de la physionomie du capitaine Nemo ou de celle d’Emma Bovary ? La vérité de Sam Spade sans Bogart dans Le faucon maltais ou de l'Ange bleu sans Marlène Dietrich ? Mais Nemo, dira-t-on, ou Emma Bovary n'ont jamais existé, et le visage qui leur est donné circonstanciellement ne les fait pas exister davantage ; aucune recherche de preuve ne peut être entreprise, aucun consensus ne peut être engagé. Ce sont des "faux". Soit.
Venons-en alors tout de suite à un objet plus directement social, si évidemment social et si tellement pris au sérieux pendant deux ou trois siècles que son exemple seul devrait suffire – et il a d'ailleurs été abondamment étudié par les historiens : Quelle était donc la vérité des sorcières au temps de leurs procès ? Il n'y a pas eu les sorcières d'abord, et la représentation qu'on a pu se faire des sorcières ensuite ; c'est la représentation que l'on avait des sorcières et que l'on a progressivement perfectionnée qui a fait exister adéquatement celles-ci, jusqu'à l'épidémie.
L'instruction menée par les juges était confirmatoire. La réalité des aveux, et sans doute parfois des conduites, se conformait à la représentation, qui lui donnait seule sa vérité. Changez d'ailleurs de représentation (il suffit de changer d'époque ou, éventuellement, de groupe d'appartenance) et vous changerez de regard sur les sorcières, qui alors ne seront plus "les mêmes". Au lieu de voir en elles des suppôts du Démon et des agents dévoués du Mal, vous verrez avec non moins d'assurance de pauvres hystériques travaillées par la suggestion, les prêtresses survivantes d'anciens cultes païens ou même les proto-féministes d'un combat qui ne savait pas encore dire son nom.
Presque tous les objets de notre vie sociale connaissent le même destin. Leur étoffe dépend toujours de l'époque et du regard.

dimanche 6 septembre 2009

Cypress Grove

Chaque dimanche sera consacré à un interlude musical se faisant succéder les styles : Classique pour le premier, Jazz-Blues pour le second, Rock-Folk-Pop pour le troisième et, enfin, Musique d'ailleurs pour le quatrième. Les notes du dimanche dernier ont été classiques, je dépose donc aujourd'hui une page de blues tiré d'un album de Kelly Joe Phelps.
Kelly Joe Phelps est un bluesman blanc américain dans le plus pur style "Blues du Mississippi" et grand adepte de la "Slide Guitar". Dans ces trois premiers albums (neuf à ce jour) il s'accompagne seul à la guitare et mélange compositions personnelles et reprise de grands classiques du blues.
Il réarrange ici de belle manière un titre célèbre composé en 1931 par Skip James (Cypress Grove), précurseur majeur du blues du Mississippi et initiateur du courant dit de la "Bentonia School".


Kelly Joe Phelps, Cypress Grove. Album Roll away the stone, 1997.

vendredi 4 septembre 2009

Aux doctorants

En ce début de nouvelle année universitaire, une petite pensée pour tous les étudiants inscrits en thèse, beaucoup moins choyés que leurs cadets (et beaucoup plus angoissés). Pour les détendre, un lien vers le site de Jorge Cham (http://www.phdcomics.com/) qui publie depuis 1997 des "comics" très courts uniquement consacrés à la vie et à l'environnement quotidiens des thésards, au rythme moyen de trois planches par semaine (allez voir dans "les archives").
C'est concis, drôle et pertinent... En voici quelques aperçus (cliquez sur les images pour les agrandir) :


mercredi 2 septembre 2009

Abîme

"Le pire châtiment de l'époque où nous sommes et sa condamnation sans doute la plus grave, c'est qu'elle ait pu, en quelque cent cinquante ans, nous rendre à peu près inimaginable le monde où l'homme avait encore toute sa place, un monde où l'on naviguait à la voile, où l'on voyageait à cheval ou à pied, et des temps où la vie de chacun s'insérait dans "son" temps sans en rien perdre, alors que la mécanique nous expulse du nôtre. Certes, le modernisme a toujours existé ; mais un modernisme qui nous veut orphelins du passé et nous exile de l'humanité rien que pour exister dans sa seule étroitesse sans cesse dépassée, voilà qui n'a rien de moderne mais qui porte en réalité, le nom même de l'épouvante que les siècles redoutaient en l'appelant la bête de l'abîme".

Armel Guerne, Texte de présentation du recueil de poèmes de Novalis, Les disciples à Saïs, Hymnes à la nuit, Chants religieux. Poésie Gallimard, 1975.