mardi 19 janvier 2010

Résistance

Un acte et une lettre qui valent la peine d'être signalés.
Ce courrier, adressé à M. Arnold MIGUS, Directeur Général du CNRS, émane d'un chercheur du CNRS qui a tenu à garder l'anonymat et qui a été diffusé par Martine Hossaert-McKey, Directrice du Groupement de Recherche "Ecologie Chimique" du CNRS-CEFE et Présidente de la section 29 du Conseil National des Universités.
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....., le 22 décembre 2009

Monsieur le Directeur Général,

J’accuse bonne réception de votre lettre de la semaine passée par laquelle vous m’annonciez que j’allais être bénéficiaire d’une prime d’excellence de 15 000 euros au titre de la médaille d’argent du CNRS que j’ai reçue en 1996. Vous me voyez flatté d’avoir été considéré digne de cette gratification, mais je suis dans l’obligation morale de la refuser pour mettre mes actes en conformité avec mes convictions. Je ne suis pas du tout partisan, en effet, de la politique de différenciation salariale qui est en train de se mettre en place dans la recherche publique française. En effet, la culture dite «de l’excellence» qui conduit à gérer les équipes de recherche d’une manière pyramidale avec une mise systématique en concurrence soutenue des individus pour l’accès aux ressources, y compris pour ce qui concerne des avantages salariaux directs me semble plus porteuse d’abus, de déconvenues et d’effets pervers que d’être une simple mise en musique d’un concept vertueux de rémunération émérite (un peu à la manière du «parce que je le vaux bien» de l’Oréal…). Je ne suis pas complètement naïf, et je ne me berce pas de l’illusion d’un monde égalitaire où, tout le monde étant beau et gentil, chacun concourrait à la réussite collective en étant content de son sort à la place qu’il occupe. Non, dans la recherche scientifique, comme dans tout autre domaine professionnel, les acteurs sont essentiellement à la recherche de l’optimisation de leur statut personnel, que ce soit en termes de reconnaissance individuelle, de liberté d’action ou de niveau de vie. Mais ils apprécient aussi de ne pas se sentir en concurrence trop directe avec leurs collègues, et la différenciation des salaires qui se fait par le biais de promotions sur dossier ou sur concours, si elle est parfois jugée trop lente, n’est en général pas contestée sur le fond car principalement décidée par les pairs. Ceci permet aux acteurs de la recherche publique française, qui sont en général venus à ce métier par passion, de se sentir à l’aise dans ce système relativement protégé qui ne ressemble pas à celui de la recherche industrielle et qu’ils ont précisément choisi pour cela. Je reste donc convaincu que le système de primes qui est en train de se mettre en place ne va pas dans le bon sens, et qu’il vaudrait mieux que le CNRS utilise cette fraction de sa masse salariale à améliorer les promotions et les recrutements, y compris dans le cadre technique, plutôt que de nous acheminer par petites touches insidieuses vers un système de compétition systématique de tout le monde avec tout le monde dans lequel des «capitaines de recherche» négocieront leur salaire à l’embauche tout en ayant à leur service une armée de contractuels taillables et corvéables à merci. Ce système existe bien entendu déjà ailleurs, ce qui fonde au passage la motivation de nombre d’entre nous d’avoir choisi de rester dans le cadre français… En conséquence, je vous demande de bien vouloir donner les instructions pour que je ne sois pas bénéficiaire de cette prime étalée sur quatre ans. Je vous demande en outre de reverser les sommes correspondantes à la Fondation de France, fondation qui me semble poursuivre des objectifs plus acceptables que ceux qui sous-tendent les actuelles réformes du système français de Recherche et Développement. Merci également de bien vouloir partager le contenu de cette lettre avec ceux des membres de la direction du CNRS ou du ministère qui partagent avec vous la responsabilité de la mise en place de cette prime.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de mon sincère dévouement à la cause de la réalisation des objectifs et des missions de la recherche publique de notre pays.

dimanche 17 janvier 2010

Arvo Part

Arvo Part est un compositeur de musique contemporaine Estonien. Il est souvent associé au mouvement de la musique minimaliste qui s'est créé dans les années soixante. En ces temps de douleur et de complexité, il est je crois utile de revenir, l'espace d'un morceau de musique, à la simplicité et au dépouillement extrème.
Solfeggio en est un exemple superbe. Ce morceau a été écrit pour 4 pupitres de voix (Soprano, Tenor, Alto, Baryton). Il répète simplement 10 fois l’échelle ascendante des notes do - ré - mi - fa - sol - la - si - do. Chaque note, chantée par un pupitre de façon aléatoire, est tenue 5 temps et demi. À chaque entrée de voix, 3 notes conjointes de l’échelle sont entendues simultanément.
Il résulte de ce tuilage d’étranges clusters et surtout une impression de mouvement perpétuel fascinante.


Arvo Part, Solfeggio for SATB chorus. Album De Profundis, Theatre of Voices dirigé par Paul Hillier, Harmonia Mundi.